Le but de ce blog est de parler de la beauté, de la famille et de la sexualité en prenant appui sur la communauté Guin et Mina. La communauté Guin et Mina a une culture riche de plus de 3,5 siècles mais peu connue. Aujourd'hui, cette communauté n'est visualisée qu'à travers les pratiques sexuelles peu positives d'une minorité de femmes guinnou ou Mina. Ce blog revisite l'organisation sexuelle du peuple Guin et Mina à travers le temps (approche diachronique) afin d'en tirer des inspirations susceptibles de façonner notre mode de vie contemporain. Mot clés : #Beauté, #Sexualité, #Famille, #Guin, #Mina
20 Mars 2020
Les activités sexuelles dans le mariage en communauté Guin/Mina obéissent à un double principe à savoir : 1) l’exclusivité des activités sexuelles dans le mariage et 2) l’obligation de satisfaire le désir sexuel de son/sa conjoint/e.
De manière unanime, les aînés approchés sur le terrain évoquent que l’infidélité remet en cause, surtout par rapport à la femme, le principe de l’exclusivité des activités sexuelles dans le mariage. Or, il s'agit là, chez les «GƐn»/Mina, l'un des deux principes cardinaux en matière de sexualité.
En effet, dès que le pas décisif vers le mariage est posé (connaissances des parents et petite dot), la future épouse, en communauté «GƐn»/Mina, est soumise à une éducation sexuelle de façon permanente jusqu’au mariage. Pendant cette période d’apprentissage, la maman et les tantes de la future mariée lui prodiguent de nombreux conseils sur les conduites à tenir au foyer et les comportements à éviter. En plus des conseils ayant trait à l’entretien de la maison, des enfants, ou au bon soin à prendre de son époux, de ses beaux-parents, etc., il y a aussi des conseils liés à la sexualité au sein du couple : chez les «GƐn»/Mina, la femme doit satisfaire le désir sexuel de son époux, quelles que soient les circonstances : « Ne pas refuser la nuit à son mari » est un principe cardinal, sinon une obligation. Si jamais le mari venait à s’en plaindre auprès de ses beaux-parents, la femme était interpellée et sermonnée par ses « Tassinon » (tantes). Même en cas de conflits conjugaux, la règle est que « une épouse ne doit jamais faire dos à son époux au lit, encore moins, lui refuser sa demande de sexe » (deuxième principe cardinal). Dans le cas contraire, l’épouse serait accusée de pousser son époux dans le bras d’autres femmes dehors, car le besoin sexuel de l’homme serait irrésistible. L’homme qui, malgré les attentions de son épouse, se rend coupable d’infidélité était aussi interpellé par les sages sur la plainte de son épouse. À l’époque des aînés, de telles interpellations de l’un ou l’autre des époux, en cas de manquements aux devoirs sexuels au sein du couple, laissent déduire que la société «GƐn»/Mina établit ses normes sexuelles sur la base de monogamie sans pour autant que la polygamie ne soit formellement interdite, pourvu que l’homme ait les moyens d’un tel choix. La sexualité au sein du couple se pose dès lors comme un devoir absolu en milieu «GƐn»/Mina.
L’adultère de la femme était strictement interdit en communauté «GƐn»/Mina au regard du double principe sexuel précédemment évoqué à savoir : l’exclusivité des activités sexuelles dans le mariage et l’obligation de satisfaire le désir sexuel de son/sa conjoint/e. Alors que, dans d’autres milieux ethniques, d’après les témoignages des aîné.es, la femme ne doit pas poser le premier pas (ou exprimer son désir sexuel), chez les «GƐn» et Mina, en cas de désir sexuel, la femme peut, bel et bien, en faire la demande à son conjoint, et ce, de façon très ouverte ou sans détours. Dans un tel contexte, tout acte adultérin est mis sur le compte d’une mauvaise éducation ou sous l’influence d’une mauvaise camaraderie. C’est d’ailleurs pourquoi il est déconseillé aux femmes mariées de fréquenter des personnes de « réputation douteuse ».
De nombreux/ses aîné.es ont témoigné qu’à leur époque, les maisons conjugales voire familiales étaient protégées contre la sorcellerie, le vol et l’adultère de la femme.
S’agissant de l’adultère particulièrement, cette protection est régulée par des objets rituels qui étaient soit enterrés dans la maison, soit mis sur le corps de la femme à son insu. Les manifestations de la transgression de l’interdiction d’adultère sont fonction de la pratique rituelle réalisée, d’une part, et des familles, d’autre part. Mais, les conséquences fréquemment invoquées par les aîné.es approché.es sont : 1) la mort par envoûtement quand la femme adultérine ne passe pas aux aveux ; ou 2) des pathologies particulières une fois qu’elle franchit le seuil de la maison conjugale après son forfait ; dans de nombreuses familles, ces pathologies sont : le déclenchement des menstrues ininterrompues (c'est-à-dire, l'épouse, une fois de retour dans sa maison conjugale après l’acte sexuel extraconjugal, commence à saigner abondamment et de façon continue sur plusieurs jours tant qu’elle n’avoue pas son forfait) ; des œdèmes aux pieds ; la vue en permanence d’un serpent mythique par l’épouse adultérine uniquement ; l’évanouissement, etc. L’un des aînés a dit ceci : « Les femmes, à notre époque, étaient bien informées des interdits les concernant dans leur vie de couple et la majorité y faisait attention » (homme de 80 ans, cadre à la retraite).
Du point de vue des aîné.es approché.es, surtout les hommes, même si l’adultère devait exister à cette époque-là, il ne serait qu’à une très petite échelle. Et d’ailleurs, évoquent-ils, c’est pour s’en préserver qu’il est aussi interdit de débattre des questions sexuelles dans l’espace public, surtout, on ne devait jamais discuter des cas de transgression dans un débat public mais plutôt à huis clos au sein des familles. Autrement dit, les cas de transgression sont gérés dans une certaine opacité familiale, personne d’autre que les membres de la famille concernée ne devait en être informé. La gestion discrète des cas d’adultère vise également à protéger l’épouse fautive et sa famille des regards sociaux «récriminatoires» voire des railleries sociales. Cela vise aussi à faire planer longtemps la peur de passer à l'acte, et donc décourager toute idée ou tentative adultérine.
Dans la situation où l’épouse adultérine passe aux aveux, des rites de purification sont faites dans le but de conjurer le mauvais sort et d’autoriser le retour de cette femme adultérine dans son foyer conjugal. L’adultère en guengbé est désigné par l'expression « affƆ dôgbé » et le rite de purification est désigné par l'expression « affƆ pôpô ». Pour le faire, on fait appel, généralement, à un prêtre de divinités endogènes qui procède, sur la base de certains ingrédients et feuilles spécifiques, au « lavage » de l’épouse pour la purifier de ses péchés.
Il faut ajouter, aux dires des aîné.es, que l’homme coauteur d’un tel acte d’adultère est également sanctionné soit de façon occulte (il lui arrive un malheur), soit socialement : il est présenté comme une personne de mauvaise réputation sociale et fait l’objet, selon les milieux, de la mort sociale ; autrement dit, on lui interdit toute communication avec les membres de sa société, en un mot, il fait l’objet d’un isolement social. Telles étaient les deux conséquences plausibles dont était sanctionné l’homme, coauteur d’un acte d’adultère (rapport sexuel avec une femme mariée) en communauté Guin.
Quant à la prohibition de l'inceste, nous allons y revenir dans un prochain article.
Pour finir partageons avec vous quelques-uns des dispositifs de sanction des fautes, particulièrement celles sexuelles, expliqués par Togbé Ahuawoto Savado Zankli Lawson VIII (suivons la vidéo d'explication).
En communauté Guin, ce sont les Lâ qui jouent le rôle de régulation sociale. C'est en période de épé-ékpé au cours de la cérémonie de ékpan tchontchon que les déviants sont publiquement dénoncés et interpellés dans des chansons populaires. Ceci a pour but de contraindre les intéressés à se corriger ou à subir la sanction d'isolement social.