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Beauté-famille-sexualité

Le but de ce blog est de parler de la beauté, de la famille et de la sexualité en prenant appui sur la communauté Guin et Mina. La communauté Guin et Mina a une culture riche de plus de 3,5 siècles mais peu connue. Aujourd'hui, cette communauté n'est visualisée qu'à travers les pratiques sexuelles peu positives d'une minorité de femmes guinnou ou Mina. Ce blog revisite l'organisation sexuelle du peuple Guin et Mina à travers le temps (approche diachronique) afin d'en tirer des inspirations susceptibles de façonner notre mode de vie contemporain. Mot clés : #Beauté, #Sexualité, #Famille, #Guin, #Mina

Les influences de la modernité sur l'organisation sexuelle chez les Guin et Mina, volet2

Volet 2 : La prolifération des unions libres : L'âge et les circonstances d'entrée en alliance :

Nous avons vu dans l'un des précédents articles les différentes étapes d'entrée en alliance à l'époque de nos ainé.es, où la particularité remarquable était que le passage à l'acte sexuel coïncidait avec l'entrée en alliance : le premier rapport sexuel avait généralement lieu la nuit du mariage coutumier. La virginité était hautement célébrée à l'époque. Depuis quelques décennies déjà, un nouveau vent souffle sur l'organisation sexuelle chez le peuple «GƐn» et Mina y compris la régulation sociale de l'alliance. Les normes d'entrée en alliance sont de moins en moins respectées et il s'observe également une prolifération des unions libres auxquelles sont corrélées les séparations précoces des couples et l'augmentation des familles monoparentales. Dans cet article, l'accent sera mis sur 1) l'âge du premier rapport sexuel ; 2) les unions libres, leurs causes et leurs conséquences.

Les influences de la modernité sur l'organisation sexuelle chez les Guin et Mina, volet2
Les influences de la modernité sur l'organisation sexuelle chez les Guin et Mina, volet2

A- Entretien exclusif avec le couple Béni

(Monsieur Béni, quadragénaire, et Madame Béni, trentenaire).

 

L’entretien avec le couple Béni s’est révélé très exhaustif, ouvert et tenu dans une ambiance fraternelle avec les apports réguliers des guides d’enquête, eux-aussi, natifs d’Agoué. Je pars de cet entretien, comme point d'entrée, pour une analyse plus large des pratiques sexuelles des «GƐn» et Mina aujourd’hui. En effet, l’échange avec le couple Béni permet de se rendre compte des réalités en matière de la sexualité des «GƐn»/Mina aujourd’hui, bien qu’une minorité d’enquêtés a des points de vue divergents des constats posés ici.

 

1- L'âge du premier rapport sexuel

 

Madame Béni : « […] Concernant ma vie sexuelle, c’est à 18 ans que j’ai eu mon premier rapport sexuel. En ce moment, j’étais déjà déscolarisée pour cause de maladie. On s’est rencontré à Djeffa, mon mari et moi, j’allais vendre non loin de là où il habitait. Lorsqu’il m’a abordée pour la première fois, je lui avais dit que je suis encore « petite ». Mais, de jour en jour, il insistait. Et je lui avais répondu de me laisser réfléchir d’abord ».


Monsieur Béni : « J’étais allé travailler sur le parc auto de Djeffa. J’avais loué un studio dans le milieu. C’est dans la rue où j’avais loué qu’elle passait quotidiennement pour aller vendre. Je l’avais vue passer plusieurs fois. La première fois où je l’avais interpellée, elle m’avait dit qu’elle était pressée, la seconde fois, elle m’avait dit qu’elle est encore mineure. Une troisième fois, je l’avais suivie patiemment. Lorsqu’elle avait fini de vendre ses produits, je l’avais arrêtée pour la courtiser longuement. C’était alors qu’elle me répondit de lui laisser un temps de réflexion. Au bout de trois mois, elle ne me donna aucune suite. L’une de mes sœurs vivait aussi à Djeffa. Je lui fis part de mes intentions à l’égard de la jeune fille et la suppliai d’intervenir en ma faveur. Ma sœur alla lui parler longuement. Deux mois environ plus tard, elle se montra plus ouverte. Je l’avais amenée chez moi pour la première fois. J’en profitai pour lui posai de nombreuses questions sur sa famille. Je compris alors que sa famille est d’origine nigériane et a immigré à Djeffa. Elle me fit également comprendre qu’elle était réticente parce que ses parents sont trop sévères. Cette première fois-là, on échangea franchement, et l’on s’embrassa aussi [ce premier rendez-vous coïncidait, pour ainsi dire, avec le passage à l'acte sexuel] [...]».

 

 

2-L'alliance par fugue et la colère des beaux-parents

 

 

Monsieur Bénin « [Suite] Moi, je ne résidais pas en permanence à Djeffa. J’y restais seulement pendant la durée de mon travail. À la fin de celui-ci, je repartais. Ainsi, juste après ce premier tête-tête, je retournai à Agoué. Lorsque je revins deux mois plus tard, je ne la revis plus en circulation comme d'habitude. J’avais longtemps guetté ses mouvements, mais rien n’y fit. Elle ne vendait plus. C’était alors que je m’étais mis à sa recherche. Je l’indiquai aux gens de mon environnement et une personne l’avait identifiée. Mais, elle me mit en garde sur le comportement intransigeant de ses parents, aussi bien son papa que sa maman. C’était au cours de cette même période qu’elle-même alla voir ma sœur qui résidait à Djeffa pour l’informer que le seul et l’unique rapport sexuel qu’on avait eu l’avait mise enceinte. Je l’amenai en consultation. Les examens et vérifications apportèrent la confirmation de la grossesse avec exactitude.

 

Malheureusement, et comme un coup de malchance, je perdis mon travail dans la même période. Ses parents me déclarèrent la guerre. Je partis avec elle pour Cotonou. On y passa quatre mois. Puis, on quitta Cotonou pour Lomé, j’y avais trouvé un nouveau boulot. C’était là où elle accoucha. Malheureusement, le bébé n’a pas survécu (il était né prématurément).

 

Lorsqu’elle conçut pour la deuxième, l’un de mes frères me conseilla, au regard du précédent évènement malheureux, de la faire suivre rigoureusement au grand hôpital. Effectivement, aux termes des examens et contrôles, il s’était avéré que son col est fragile et que la grossesse était à risque. Au bout du cinquième mois, elle fut gardée dans le centre de santé des médecins américains à Kpalimé et fit l’objet d’un suivi rigoureux jusqu’à l’accouchement.

 

[Moi : permettez-moi de clarifier un passage. Vous avez dit tantôt que vous êtes parti avec elle pour Cotonou dans un premier temps. Avez-vous fugué ou est-ce avec la bénédiction des parents de votre épouse ?].

 

Voici exactement ce qui s’était passé. Lorsque j’avais su qu’elle était enceinte, du fait de l’unique rapport sexuel qu’on a eu, j’étais retourné à Agoué pour informer ma sœur aînée. Une semaine plus tard, une délégation était allée voir ses parents. C’était sa maman qui l’avait reçue. Mais, elle avait boudé la délégation et la renvoya. Après cet échec des supplications, j’avais monté un plan avec ma grande sœur qui m’avait aidé à m’en fuir avec elle pour Cotonou.

 

Au bout de trois mois, sa maman la cherchait partout. Vu que ma jeune sœur résidait dans le milieu, elle et certains de mes amis nous remontaient les informations au fur et à mesure. On quitta alors Cotonou pour Lomé. Au bout de deux ans, on revint s’installer à Agoué. Puis, l’on élabora un plan pour aller rencontrer ses parents. Mon épouse était rentrée en famille un mardi et le vendredi qui avait suivi, ma famille fit une délégation pour aller demander sa main. Cette fois-ci, sa famille nous reçut avec grande hospitalité, au-delà de notre attente. Alors qu’on s’y était rendu avec la peur au ventre, craignant d’être renvoyé une fois encore. Bien au contraire, c’était une fête. Sa maman avait immolé une poule, acheté d’importantes boissons pour nous accueillir avec honneur. Elle avait témoigné de l’en bon-point de sa fille.

 

De notre côté, on s’y était rendu avec la petite dot. Mais sa maman ne l’avait pas acceptée. Elle nous avait expliqué que la réception de la dot n’est pas de son ressort. Il faillait que les tantes soient présentes et d’autres membres clés de la famille, tant paternelle que maternelle. Néanmoins, on avait insisté pour qu’elle prenne tout au moins les boissons en guise de pardon et que la dot s’en suivra. Actuellement, on est en de bon terme avec sa maman : elle vient régulièrement nous rendre visite et moi également, je rends me de temps en temps dans sa famille. »

 

[Moi : permettez que je pose une question à votre épouse avant de continuer la conversation : lorsque l’homme que vous venez de connaître à peine vous avait proposé de vous enfuir, n’avez-vous pas eu peur ?]. Monsieur Béni : « non, elle n’avait pas peur puisqu’elle connaissait bien ma petite sœur qui résidait à Djeffa aussi. Madame Béni : « bien sûr que j’avais eu peur au début, et aussi lorsqu’il me proposa de quitter Lomé pour le village (Agoué). Mais bon, je suis Chrétienne et j’ai foi en Dieu : je me suis mise en tête que rien ne m’arrivera [...] ».

 

3- Y-a-t-il une malédiction qui planait sur le couple Béni due à leur manière d'entrée en alliance ?

 

 

[Moi : quelles sont les difficultés que vous avez traversées vu les circonstances de votre mise en couple ?] Madame Béni : « les difficultés dont j’ai connaissance, liées à cette situation, sont de deux ordres. La première est liée au fait que j’avais cessé de vendre et mon indépendance financière en avait pris un sérieux coup. Toutefois, mon époux survenait à mes besoins, et donc je ne m’en plaignais pas trop. La seconde difficulté est liée aux papotages et calomnies [heur, silence].

 

[L’homme reprit vite la parole]. Monsieur Béni : au fait, je ne vous avais pas tout expliqué. Ce n’est pas un seul mort-né qu’on a eu mais deux. Arrivés au village, on a également connu un nouveau cas de naissance prématurée où l’enfant n’avait pas survécu. Les consultations des divinités avaient révélé que le mauvais sort provenait de la famille de mon épouse. Les gens disaient indirectement que c’était sa maman qui en était la cause. Ces rumeurs avaient énormément affecté mon épouse au point où lorsqu’elle était retournée en famille, elle en fit part à sa maman. Mais celle-ci clama son innocence. Sa maman nous en avait parlé lors de notre visite. Par ailleurs, les mauvaises langues essayaient de saboter notre union au village. Des gens passaient derrière moi pour venir demander à mon épouse « si ce n’est que moi qu’elle trouve à épouser » et les mêmes personnes, en l’absence de mon épouse, venaient me poser la même question. Mais, on a pu surmonter toutes ces difficultés. [...]».

Tout tranquille dans mon confinement.

Tout tranquille dans mon confinement.

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