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Beauté-famille-sexualité

Le but de ce blog est de parler de la beauté, de la famille et de la sexualité en prenant appui sur la communauté Guin et Mina. La communauté Guin et Mina a une culture riche de plus de 3,5 siècles mais peu connue. Aujourd'hui, cette communauté n'est visualisée qu'à travers les pratiques sexuelles peu positives d'une minorité de femmes guinnou ou Mina. Ce blog revisite l'organisation sexuelle du peuple Guin et Mina à travers le temps (approche diachronique) afin d'en tirer des inspirations susceptibles de façonner notre mode de vie contemporain. Mot clés : #Beauté, #Sexualité, #Famille, #Guin, #Mina

la violation magique des interdits

L'on se demande parfois, au regard de certains faits sociaux, pourquoi des personnes censées et responsables parviennent-elles à poser des actes asociaux voire ignobles ? Que revêt la violation délibérée de certains tabous y compris le tabou d'inceste et le contact avec le sang impur féminin ?

Laura Makarius dans son article intitulé "Le mythe du « Trickster »" publié dans la Revue de l'histoire des religions, tome 175 n°1, 1969. pp. 17-46, nous éclaire sur les raisons de la violation volontaire des interdits. Elles ont quelque chose à voir avec la magie et la quête de la puissance.

« L'observation ethnographique montre que les tabous, qui en général sont l'objet du respect le plus strict, sont parfois délibérément violés par des individus qui escomptent obtenir par leur transgression des résultats favorables. La croyance qui fonde ces comportements n'a pas jusqu'ici été expliquée, et l'explication ne peut être recherchée que dans l'étude des tabous qui sont ainsi transgressés.

Les tabous sont autant de mesures tendant à protéger les individus et la collectivité contre des dangers le plus souvent imaginaires et qui se présentent sous des formes diverses, mais que nous considérons pouvoir être ramenés à une source commune, le danger de sang. Quand il n'est pas investi d'une signification spécifique, qui en écarte le danger, le sang humain versé est considéré comme l'élément maléfique, effrayant et dangereux entre tous. Une peur particulièrement aiguë est ressentie pour le sang des fonctions sexuelles féminines, le sang des menstrues, de la défloration et de l'accouchement. La crainte du sang s'étend aussi aux matières fœtales (placentas, cordons ombilicaux, membranes, etc.), aux nouveau-nés, qui ont été souillés par le sang de la naissance, aux complications de l'accouchement — naissances multiples ou anormales, fausses couches, avortements — enfin aux matières cadavériques. Toutes ces matières sont soumises au tabou : c'est-à-dire qu'elles sont soustraites au contact, au voisinage des autres et même à leur vue, à cause du danger qu'elles représentent pour la collectivité. Il en est de même des personnes sanglantes ou contaminées par des objets souillés ou se trouvant en relation avec le sang, etc.

Or, l'action effrayante et maléfique, que l'imagination prête à l'impureté sanglante, apparaît rassurante et bénéfique quand ses pouvoirs destructeurs se tournent vers ce qui est adverse : l'armée ennemie, les influences qui provoquent la maladie, tout ce qui menace et nuit et doit donc être éloigné et détruit. Divers auteurs ont montré la valeur efficace du sang dans cette forme de magie qui fait courir une femme menstruante à travers les champs pour détruire la vermine qui les infeste, ou fait attacher au cou des enfants chétifs les chiffons menstruels qui tiendront à distance les maladies.

En poussant un peu plus loin l'analyse, on constate que d'une telle conception du pouvoir négatif du sang, qui pourrait se résumer par la formule « le sang éloigne tout ce qui est mauvais », on passe insensiblement à la croyance en son pouvoir positif : « le sang donne tout ce qui est bon ». Alors que la première formule a une base rationnelle, si l'on peut ainsi dire, la seconde naît d'une extension du pouvoir bénéfique prêté au sang, qui aboutit à en surdéterminer le pouvoir, en lui attribuant la faculté de produire tous les résultats et effets désirables et de dispenser tous les biens. Le sang ne donnera pas seulement la sécurité et la santé (biens « négatifs » parce qu'ils ne représentent que l'absence de danger et de maladie), mais aussi ces biens « positifs » que sont la chance, la puissance, la richesse, la prospérité et le succès, ainsi que la connaissance, la sagesse, la voyance et d'extraordinaires pouvoirs créateurs. Et comme une telle extension est abusive — parce qu'elle implique l'oubli du fait que le  pouvoir bénéfique du sang provient uniquement de son aptitude à éloigner le mal — et comme elle n'affleure pas à la conscience, le sang donnera tous ces biens d'une manière inconnue, mystérieuse. Il les donnera magiquement. C’est surtout de cette surdétermination que découle l'ambivalence bien connue qui empreint le pouvoir du sang.

Pour maîtriser ce pouvoir à des fins magiques efficaces, il est inévitable de transgresser le tabou qui en interdit le contact. C’est pourquoi la magie qui agit au moyen du pouvoir du sang a pour procédé essentiel la violation du tabou. La force que dégage la violation de tabou, la force inhérente au sang, est le pouvoir magique, le mana qui, comme le sang, est dangereux, efficace et ambivalent et, comme le sang et la force qu'on lui suppose, est en même temps concret et abstrait, localisé et non localisé, visible et invisible, ayant à la fois les propriétés d'une substance et celles d'une force.

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Une telle conception de la magie explique l'usage de médecines à base de sang et de matières organiques, l'usage de talismans frottés de sang et les onctions sanglantes qui souvent nécessitent des sacrifices humains. Elle explique l'usage magique de matières fœtales — embryons, fœtus, avortons, caillots de sang des fausses couches, cordons ombilicaux, etc. — ainsi que la croyance au rôle magique des enfants avortés ou mort-nés, et tout le complexe d'idées s'attachant aux naissances multiples ou posthumes. Les matières fœtales sont inséparables du sang lochial et participent de l'angoisse que le sang inspire. Les fœtus avortés participent aussi d'une autre source d'angoisse, la mort, également inséparable de la peur du sang, puisque la substance de celle-ci est la peur de la mort. On constate en effet un parallélisme entre l'emploi magique du sang et l'emploi magique des matières cadavériques. Celles-ci sont employées dans les mêmes conditions, aux mêmes fins et dans le même esprit que les charmes de sang et se confondent avec eux.

la violation magique des interdits

La conception de la violation magique de tabou permet aussi d'expliquer la croyance à la valeur magique de l'inceste, qui se trouve dans les aires ethnographiques les plus diverses (Reichard, par exemple, écrit à propos des Navaho : « Le dogme lie la sorcellerie à l'inceste entre père et fille. » D'autres exemples donnés par le même auteur signalent le rapport entre magie et inceste fraternel).

L'exemple le mieux connu est celui du chasseur africain qui, avant de partir à la chasse des éléphants ou des hippopotames, croit s'assurer la chance en commettant l'inceste.

Pour rendre compte de cette croyance il faut, bien entendu, commencer par s'expliquer : les raisons motivant la – prohibition de l'inceste. Cela peut être fait en se référant à Durkheim, qui a su montrer la crainte générale qu'inspire le sang, la crainte particulière du sang provenant de l'organe sexuel féminin et la peur encore plus aiguë du saignement des  consanguines. Il a proposé, ainsi, les éléments qui suffisent à rendre la peur de l'inceste intelligible sur le plan des motivations subjectives. Commettre l'inceste équivaut à se mettre en contact avec le sang le plus dangereux, le sang des femmes consanguines. « Quiconque viole cette loi [de l'exogamie], écrit Durkheim, se trouve dans le même état que le meurtrier. Il est entré en contact avec le sang et les vertus redoutables du sang sont passées sur lui : II est devenu un danger, et pour lui-même et pour les autres. Il a violé un tabou ».

Ces « vertus redoutables » du sang sont précisément celles qu’entend maîtriser et diriger, à son profit, le violateur du tabou du sang. Dans cette optique, commettre délibérément l'inceste ou manipuler le sang en vue d'en confectionner, des charmes puissants sont des actes d'un même ordre, impliquant un danger semblable, nécessitant les mêmes mesures de précaution et visant aux mêmes résultats. Dans les mythes et les récits, comme dans les rituels violateurs, les deux actes sont souvent associés.

« L'incestueux, a écrit Durkheim, se trouve dans le même état que le meurtrier. » Le rapprochement serait encore plus exact si, au lieu de n'importe quel meurtrier, on entendait parler du meurtrier d'un consanguin. Comme l'inceste, mais de manière plus concrète, le meurtre d'un consanguin permet d'établir le contact avec le sang le plus dangereux, le sang consanguin. Comme l'inceste, il représente la violation d'un tabou fondamental du groupe et comme l'inceste il est censé conférer de grands pouvoirs magiques. En effet, les rites magiques des divers peuples comprennent, avec l'inceste, des meurtres de consanguins. « L'assassinat d'un proche parent, écrit Kluckhohn, fait partie du pattern général de la sorcellerie, et cela est vrai partout où la magie est pratiquée ».

La vie d'un consanguin est souvent le prix qu'il faut payer pour entrer dans des sociétés de sorciers.

La magie fondée sur des opérations de ce type — manipulations sanglantes, inceste, meurtres et meurtres consanguins— est censée déclencher un pouvoir « de haut voltage » extrêmement dangereux pour celui qui le met en branle et pour son entourage, mais apte à produire des résultats de grande efficacité. Elle constitue la part essentielle de l'activité des sorciers ainsi que des rituels des sociétés secrètes.

Elle se distingue de la magie imitative parce qu'elle ne recourt pas à l'imitation (bien que parfois des rites imitatifs y soient emmêlés) et surtout par son caractère dangereux. Le faiseur de pluie qui recourt à la magie imitative jette en l'air des seaux d'eau ; [alors que], celui qui recourt à la magie violatrice fait comparaître une femme indisposée, commet l'inceste ou viole une sépulture, déterrant des cadavres pour les manger. Si les buts sont les mêmes, les moyens employés par le premier sont inoffensifs, alors que ceux mis en œuvre par le second sont illégitimes et dangereux. Cet exemple montre que la ligne de démarcation entre « magie blanche » et « magie noire » est tracée plus par les moyens auxquels les deux formes de magie ont recours que par les buts qu'elles se proposent.

Comme le tabou du sang est la poutre maîtresse de l'ordre dans la société, la magie qui ne peut s'exercer qu'en le violant est nécessairement considérée comme antisociale, et en quelque sorte subversive. Elle doit être occulte. D'autre part, par sa nature même, elle constitue un acte qui ne peut être que singulier, rare, exceptionnel : car l'acte magique tirant sa force du danger qui s'attache au sang et de la force du tabou qui le couvre, le tabou doit être généralement maintenu et violé seulement par voie d'exception. Cette nécessité contradictoire s'articule dans la conception qu'une violation de tabou en annule une autre — ce qui empêche la répétition de l'acte violateur.

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Bien qu'elle soit l'acte singulier et asocial par définition — puisqu'en bafouant l'interdit elle bafoue l'ordre social — la violation magique d'interdit est parfois accomplie au bénéfice de la société, car la société, tout comme l'individu, a besoin du pouvoir magique propre à satisfaire les désirs essentiels du groupe : sécurité, santé, protection, victoire à la guerre, succès à la chasse et à la pêche, etc.( Davy et Moret ont montré le héros amérindien en tant qu'inventeur des secrets magiques de chasse et de pèche qui assureront l'approvisionnement du groupe).  

L'impulsion à transgresser les interdits à des fins magiques se heurtant à la nécessité de les respecter, la société qui veut violer sa propre loi ne peut le faire qu'à travers l'action d'un grand magicien accomplissant individuellement la violation, dans lequel elle trouvera son héros.

Ainsi se dessine la figure du violateur qui se sépare de la société et en transcende la loi par dévouement à la cause des hommes. Il assume sur soi la culpabilité de tous, et est condamné dès le départ à expier afin que l'ordre social triomphe et que soit composée la contradiction qui l'a mis temporairement en péril.

Dans ce contexte, la thèse se présente que le trickster n'existe qu'en tant que projection mythique du magicien accomplissant, dans la réalité ou dans le désir des gens, la violation de tabou au profit de son groupe, lui apportant les médecines ou les talismans aptes à satisfaire ses besoins et ses désirs. Il fait ainsi figure de fondateur de la vie rituelle et cérémoniale de sa société.

C’est cette vocation de violateur qui surcharge les récits du trickster d'actes de rébellion, de désobéissance, de défi, de transgression et de sacrilège : toutes ces manifestations ont précisément le but d'expliciter, dans le langage symbolique du mythe, la nature, et la fonction du héros. Les auteurs qui ont étudié ces mythes dans les diverses aires ethnographiques - ont bien reconnu- le caractère violateur et profanateur, du héros trickster, mais n'ont pas perçue qu'il constitue son essence et sa seule raison d'exister dans l'univers mythique ».

 

 

 

 

Très bonne lecture à vous, chers lecteurs et chères lectrices.

Très bonne lecture à vous, chers lecteurs et chères lectrices.

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